Vol West, Français vivant dans le Montana, aux Etats-Unis, est Co-auteur du livre “Rues Barbares – Survivre en ville” et connu pour ses vidéos et son blog “Le survivaliste” qui traite du sujet de l’autonomie : http://lesurvivaliste.blogspot.fr/
Nous lui avons posé quelques questions sur le port d’armes pour connaître son opinion, depuis sa position particulière.
Pierre Bourguignon – Pour ceux qui ne vous connaîtraient pas, pouvez vous en quelques mots résumer l’activité de votre blog ?
Vol West – Le blog est une sorte de témoin…le témoin de mon intention d’indépendance. J’y explore une multitude de champs notionnels plus ou moins riches et complexes, et qui ont tous le dénominateur commun d’optimiser notre niveau de résilience et d’autonomie au quotidien.
Ces champs d’indépendance sont par exemple la sécurité alimentaire, notamment au travers de la production de nourriture, la sécurité personnelle au jour le jour, la résilience familiale face a un accident, une perte de l’emploi, une catastrophe locale ou une maladie grave, l’indépendance énergétique et hydrique ou encore certaines stratégies économiques capables d’améliorer nos vies.
PB – Vous êtes français et vivez depuis de nombreuses années aux États-Unis. Comment percevez vous le rapport aux armes à feu dans ces deux pays?
Vol West – Comme dans de nombreux pays, tout dépend de notre environnement immédiat.
Les médias français nous renvoient souvent cette image d’une Amérique ultra armée, ultra réac et ou tout le monde porte un .45 a la ceinture. Le Farwest quoi !
La vérité est la même qu’en France, il y a grossièrement deux vitesses, deux pays: le milieu urbain, et le milieu rural. Dans les grandes villes américaines, la culture de l’arme a feu est non seulement absente, mais l’opinion collective urbanisée concernant la possession et le port des armes par le citoyen est largement négative. Pour eux, les détenteurs d’armes a feu sont des gros réac, des extremistes, des bouseux, des méchants chasseurs ou encore des psychopathes…
Registration systématique, limitations de la capacité des chargeurs, prise des empreintes digitales pour l’achat des munitions ou encore interdiction totale de la possession d’une arme et ceci quelle qu’elle soit…sont autant de lois et de restrictions qui dans certains états et certaines villes rendent la culture de l’arme aussi élusive qu’a Londres, Madrid, Tokyo, Bruges ou Paris.
Pour vous donner une image concrète et réelle de l’ampleur de la culture de l’arme a feu aux US, le rapport fédéral de 2014 estime que 4.8% de la population détient un permis de port d’arme, soit un peu plus de 11 millions d’américains, pour une population de plus de 321 millions.
Notons au passage que dans les régions et secteurs ou les lois sur la détention et le port d’une arme a feu sont extrêmement prohibitives (Chicago, New York, Los Angeles, Washington DC…), le taux de criminalité est beaucoup plus élevé que dans les régions et secteurs ou le second amendement de la constitution est respecté.
Pour le reste du pays, c’est a dire dans des environnements plus ruraux, la culture de l’arme reste solide, tout comme en France.
Cette culture germe principalement d’une émanation philosophique fondée sur les réalités propres a notre terrain de jeu. Entre autre, pouvoir défendre, et nourrir sa famille au travers de la chasse, sont probablement les liens les plus directs entre cette notion large d’indépendance et l’outil qu’est l’arme a feu.
Quand bien même la tendance actuelle du pays s’éloigne physiquement et psychologiquement d’une philosophie agraire, et influencée par les besoins de la population de subsister au travers de la chasse, l’héritage de l’histoire américaine continue de nourrir une culture ou la connexion entre l’arme a feu et la survie pèse énormément sur la population rurale.
Dans mon Etat du Montana par exemple, les jeunes hommes (de 10 a 16 ans), sont pour la plupart encouragés a passer leurs tests de chasse ou ils apprennent les fondamentaux de cette discipline, mais ou ils apprennent aussi a survivre dans le milieu naturel; premiers soins, maintient de la température du corps, construction d’abris, méthodes de signalisation…sont des sphères systématiquement intégrées au curriculum du permis de chasse pour les jeunes.
Cette connexion; nature / survie / arme a feu, est bien souvent une histoire de transmission de père en fils qui cristallise pragmatiquement et d’un geste naturel la culture de l’arme. Bon nombre d’américains, souvent sous le seuil de pauvreté, dépendent de la chasse pour subsister. Cette réalité rurale mais surtout économique n’est que trop rarement prise en compte par les sujets urbanisés.
Aussi, la nature toujours sauvage d’un état comme le Montana ou l’urbanisation n’a pas encore écrasée de ses bottes un milieu naturel ou l’humain n’est pas le principal prédateur, fait de l’arme a feu un outil précieux et que nous le voulions ou non, nécessaire.
PB – Quel regard portez vous sur l’augmentation du nombre de licenciés en France et de détenteurs d’armes de catégorie B (armes de poing et semi-auto) ? Avez vous constaté le même phénomène aux États Unis ?
Vol West : J’imagine qu’un pourcentage important de nouveaux licenciés et de détenteurs correspond a une sensation intime d’insécurité, ce qui n’est pas un signe de bonne santé de la matrice.
C’est le problème de cette fausse bonne idée de délégation systématique envers l’état pour la résolution de tous nos besoins les plus primitifs…
Il me parait logique que si le collectif pense que l’état “ne fait pas son boulot”, alors le collectif va peu a peu se dissocier de l’état providence et vouloir reprendre le pouvoir sur sa propre condition et assurer sa propre protection.
Cette démarche d’émancipation devrait d’ailleurs s’étendre a d’autres sphères vitales et largement merdiques comme par exemple la production de nourriture et la santé, quelle soit physique ou psychique.
Le même phénomène n’est pas constaté aux US. Cependant, Nous constatons une forte augmentation du nombre de demande de permis de port par les femmes américaines.
PB – Vous avez longtemps vécu à LA puis vous êtes parti vous installer dans le Montana est ce que la législation du Montana sur les armes a été une partie intégrante de ce choix ?
Vol West : Pas vraiment. Nous avions d’autres états sur la liste qui ne sont pas forcement idéals en terme de lois liées a la défense personnelle.
Bien sur, la Californie est un état assez douloureux en terme de lois. Par exemple, nous n’avons pas la “Castle Doctrine” en Californie, et les restrictions sur les armes sont importantes…donc le déménagement dans le Montana a été bénéfique sur ce point.
PB – Quelles sont les règles exigées pour détenir une arme au Montana et pour avoir un ccw permit?
Vol West : La détention d’une arme a feu aux USA est soumise a des lois fédérales, c’est a dire appliquées a la totalité des états.
Ne peut pas acheter ni posséder une arme a feu aux états unis:
– Toute personne de moins de 21 ans pour une arme de poing.
– Toute personne de moins de 18 ans pour une arme longue.
– Toute personne séjournant illégalement sur le territoire.
– Toute personne ayant été condamné par la justice a plus d’un an de prison (pas d’arme a feu a vie, ni le droit de vote).
– Toute personne en cours de jugement et pouvant recevoir une peine de plus d’un an.
– Toute personne fugitive (d’un autre état par exemple).
– Toute personne dépendante d’une drogue prohibée.
– Toute personne ayant été diagnostiquée d’un trouble mental.
– Toute personne libérée de ses devoirs militaires d’une manière déshonorante.
– Toute personne ayant renoncé a la nationalité américaine.
– Toute personne faisant l’objet d’accusations de harcèlement ou de menaces envers une tierce personne.
– Toute personne condamnée pour violence domestique.
Toute personne qui achète, dans une armurerie, une arme a feu aux US doit remplir le formulaire 4473. Ce formulaire, en plus d’un questionnaire concernant l’individu, contient la marque, le modèle et le numéro de série de l’arme. Durant la transaction, l’armurier doit contacter par téléphone le FBI, qui valide ou non la transaction sur le champs.
Le formulaire 4473 est conservé par l’armurier pendant 20 ans.
La validation du FBI n’est pas obligatoire si l’acheteur détient un permis de port d’arme valide.
Aussi, dans certains états comme le Montana, le formulaire 4473 n’est pas obligatoire si la vente de l’arme est effectuée de particulier a particulier (héritage / cadeau). Dans d’autres, comme la Californie, il est interdit de vendre ou de céder une arme a feu de particulier a particulier.
Le “C.C.W.” (Concealed Carry Weapon), est un permis octroyé par le Shérif local autorisant une personne a porter, d’une manière dissimulée (sur sa personne ou dans un sac a main/dos), un couteau (fixe ou pliant) et/ou une arme de poing.
Une formation auprès d’un instructeur de tir certifié par le Shérif est obligatoire pour faire ne serait-ce que la demande d’un C.C.W. : pas de formation, pas de permis de port d’arme.
Le formulaire du C.C.W. est assez complexe et comporte, entre autre, le numéro de téléphone de 3 témoins que le Shérif peut convoquer ou appeler pour s’informer sur le caractère psychologique et la personnalité du demandeur avant de finaliser la procédure. La famille immédiate du demandeur est automatiquement disqualifiée en tant que témoin.
Le permis doit être renouvelé tous les 4 ans et coute 40$.
PB – Vous portez une arme à feu au quotidien. Pouvez vous nous raconter comment le choix s’est imposé à vous ? Et quelles en sont les contraintes ?
Vol West : Aujourd’hui, je ne portes plus au quotidien. J’ai souvent une arme a feu sur moi ou dans le véhicule (je dirais 80% du temps), mais je dois confesser que dans ma petite ville tranquille du Montana, je ne me sent plus le besoin environnemental, psychologique ou physique de porter cet outil H24 sur ma personne.
Par contre, je portes systématiquement une arme a feu en milieu naturel…un Glock 20 en 10mm. pour ma protection contre certains animaux sauvages comme les ours ou encore les pumas.
Dans d’autres environnements que je suis parfois amené a visiter, peut être plus urbanisés et ou le risque d’une menace physique et immédiate est plus probable, je portes mon Glock 19.
La décision de porter une arme a feu a pour moi été très simple et naturelle. Comme le dit Philippe Perotti dans “Tir et défense”: “Aujourd’hui encore, l’arme a feu est le seul moyen a la disposition de tous qui permette de stopper immédiatement une agression physique d’une extreme violence”.
Ce qui s’impose a nous ce sont les lois naturelles et les réalités de rue.
Pour ce qui est des contraintes, elles peuvent être multiples.
Certaines personnes ont par exemple des difficultés a porter une armes a la ceinture. C’est lourd, c’est chiant en bagnole, ça se voit etc. Et puis il y a toujours cette épreuve d’aller aux toilettes et de devoir baisser son pantalon: Je met le flingue ou ?
Bref…ce sont toutes les petites contraintes liées a la logistique, mais elles ne sont pas méchantes, surtout si nous considérons l’amplitude de l’outil.
Les vraies contraintes sont juridiques.
Déployer son arme et prendre la décision d’en faire usage, même dans une situation stricte de légitime défense, est un volcan de répercussions juridiques, ce qui est logique si la confrontation résulte par la mort d’un être humain.
PB – Y a t il des règles d’engagement du feu précisées par le législateur ?
Vol West : Pas a ma connaissance…
PB – Vous êtes vous fixé des règles d’engagement du feu particulières?
Vol West : C’est un sujet de réflexion important lorsque nous prenons la décision de porter une arme a feu, parce que le port suppose deux boulevards inondées de complexités et d’embouteillages juridiques mais aussi éthiques:
a) L’engagement
b) L’intimidation
Pour ce qui est de l’engagement, c’est a dire la décision d’ouvrir le feu, c’est peut être la situation la plus limpide des deux: Si ma vie ou la vie d’un proche est directement, violemment et immédiatement menacée, et que donc la décision d’ouvrir le feu me parait NÉCESSAIRE, alors j’estime que je suis dans mon droit naturel de me défendre ou de défendre un proche avec tous les moyens qui sont en mon pouvoir pour STOPPER le plus rapidement et efficacement possible la dite menace.
Pour ce qui est de l’intimidation, c’est a dire la décision de sortir mon arme sans avoir l’intention immédiate d’ouvrir le feu, les règles deviennent abstraites, floues et directement liées a la situation.
Par exemple, je suis le témoin d’un acte de violence physique sur une femme par un homme dans un supermarché. Est-ce que je décide d’intervenir ? Est-ce que je décide de sortir mon arme ? Est-ce que je décide de faire feu ? Que constitue pour moi un acte de violence extrême ? Est-ce que la femme est en danger immédiat de mort ? Qui est cet homme ? Est-ce que ma ligne de tir est sécurisé ? Y-a-t’il d’autres individus autour ? Est-ce que si je décide d’intervenir la femme ne va pas se retourner contre moi ? Si je décide d’intervenir et qu’au même moment un policier ou un autre citoyen armé est témoin de cette nouvelle séquence, va-t’il ouvrir le feu sur moi, croyant que je suis en train de commettre un meurtre ? Etc.
Ces questions sont extrêmement difficiles et complexes…et le port d’une arme a feu est avant tout une multitude de réflexions personnelles plus ou moins abouties. Par exemple, mon épouse n’a pas les mêmes règles d’engagement que moi.
Rappelons que lorsque nous portons un marteau, tout commence a ressembler a un clou. D’ou l’importance de porter d’autres systèmes et moyens de protections / d’intervention comme par exemple un téléphone portable, une bombe lacrymogène ou un bâton télescopique.
PB – Votre épouse porte aussi une arme peut elle témoigner de ce quotidien ?
Vol West : Effectivement mon épouse a longtemps porté un .38 pour sa protection personnelle et aujourd’hui un Glock 43 au quotidien. C’est son hygiène de vie.
Ayant vécue a New York puis Los Angeles, elle a témoigné plusieurs fois de scènes de violence de rue incroyables, et elle refuse tout simplement d’être une victime de plus, une statistique de plus au journal de 20h.
Porter une arme a feu ne veut pas dire qu’elle est devenue invincible, cela veut juste dire qu’elle se donne les moyens de résister et de se battre. C’est d’abord un choix personnel. Une attitude.
PB – À quelle fréquence vous entraînez vous et dans quel état d’esprit le faites vous ?
Vol West : La fréquence d’entrainement en stand dépend largement de notre temps libre et du climat. L’entrainement par -30C n’est pas optimal !
Cependant, l’entrainement est pour nous quotidien. C’est par exemple l’entrainement a sec, les exercices de présentation ou encore les déplacements et la négociation d’obstacles a l’intérieur du domicile.
C’est un aspect rarement évoqué de l’entrainement. Le tir sur cible au stand ne devrait pas être la seule opportunité de solidifier de bonnes bases au maniement des armes. Surtout avec les armes de poing !
Pour l’état d’esprit il est toujours le même. Notre approche est purement combative.
PB – Etre formé aux gestes d’urgence pour stopper une hémorragie est t elle selon vous un outil indispensable pour porter une arme à feu au quotidien?
Vol West : Je ne sais pas si c’est indispensable, mais de ma fenêtre il me parait intelligent et bienveillant d’intégrer a notre boite a outil des connaissances et des outils capables de sauver une vie.
De plus en plus les écoles de tir de défense aux US incorporent les connaissances médicales et les outils de premiers soins tels que les garrots, les agents hémostatiques et les pansements occlusifs pour deux raisons.
La première raison est que les fusillades impliquent un tir dans les deux sens, et que jusqu’a preuve du contraire, les gens bien, les citoyens responsables, les bons samaritains et tout, meurent eux aussi d’hémorragies et de blessures graves.
Dans un premier temps, il est donc question de savoir et de pouvoir ralentir voir prévenir sa propre mort, ou la mort d’un proche ou d’une tierce personne en attendant les professionnels: accident de la route, accident du travail, accident en milieu naturel, terrorisme…
C’est savoir et pouvoir poser correctement un garrot et/ou un pansement compressif. Et aussi savoir et pouvoir poser correctement un pansement occlusif.
La deuxième raison est plus subtile. Dans le cadre d’un tir de défense, il peut être juridiquement décisif d’appliquer des soins d’urgence a la personne que nous venons de stopper avec une arme. Cela implique d’avoir fait des formations spécialisées et de porter, en plus de l’arme, le matériel médical lié aux blessures par balles.
Personnellement, je pense que tout citoyen, détenteur d’une arme ou pas, devrait aujourd’hui avoir les connaissances et les moyens de stopper une hémorragie.
PB – Quels conseil donneriez vous à quelqu’un qui souhaite acquérir une arme à feu ?
Vol West : Faites des formations !
Il est beaucoup plus intéressant d’avoir 100 heures de formations et une seule arme a feu, que 100 armes a feu et seulement 1 heure de formation.
S’impliquer dans une méthodologie combative auprès d’un professionnel est extrêmement enrichissant dans la construction d’un détenteur d’arme. C’est pour moi le problème majeur de la culture de l’arme a feu en France: un accès difficile aux écoles et méthodologies focalisées sur le tir de défense pour le citoyen.
PB – Quel regard portez vous sur le combat législatif et de lobbying que mène l’ARPAC?
Vol West : Au delà des subtilités législatives et politiques que je ne maîtrise pas et qui m’échappent probablement, il me parait important aujourd’hui de voir apparaître en France une entité capable de formuler un programme pour peut être améliorer les capacités d’intervention et de résilience du citoyen, car ce dernier est toujours aux premières lignes.