Interview de Louis Sarkozy
Interview de Louis Sarkozy
Beaucoup de Français se souviennent de Louis Sarkozy lors de la cérémonie d’investiture de son père en 2007. Les caméras s’arrêtaient alors sur un enfant de 10 ans qui “semble un peu impressionné par tant de faste” et qui a attiré beaucoup de sympathie. On se souvient aussi de lui grandissant aux côtés d’hommes et de femmes d’État ou dans les stades de foot, et plus tard de ses joutes sucrées salées sur les réseaux sociaux avec Léonard Trierweiler. Mais Louis Sarkozy c’est beaucoup plus.
À l’ARPAC nous nous souvenons surtout de Louis Sarkozy pour son interview par le magazine Paris Match* où le “gun lover” déclarait, alors à la stupéfaction de beaucoup :
“Depuis 7, 8 ans les officiers de sécurité m’emmenaient tirer, tout ça, et j’ai toujours développé une passion pour les armes que j’ai pu alimenter à l’armée. Et vraiment j’adore, j’adore les armes. Ma dernière année (en école militaire ndlr) j’étais co-instructeur et je tirais 300 à 350 cartouches par semaine”
À la journaliste qui s’inquiétait de cette passion à 18 ans il répond :
“Cette mentalité c’est un peu français. Par exemple aux États-Unis, tout le monde, on peut aller dans un supermarché s’acheter une arme (comme en France jusque dans les années 80 ndlr) donc beaucoup de gens pensent que c’est mauvais mais, moi je trouve par exemple, que c’est une liberté et c’est un des seuls pays qui a une liberté telle, et que c’est de la responsabilité de chaque citoyen de se protéger lui-même et sa famille.”
Comme aujourd’hui, une fusillade avait eu lieu peu de temps auparavant. À la journaliste lui rappelant le jeune homme rétorque, après une pensée pour ce drame d’alors, l’évidence :
“Par définition un criminel ça n’obéit pas aux lois. Donc si vous enlevez les armes, vous enlevez les armes aux citoyens qui ne brisent pas de loi, qui ont des familles, vous allez enlever leurs armes parce qu’ils aiment chasser ou ils veulent pouvoir se défendre mais les criminels, s’ils veulent faire du mal, ils feront du mal.”
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Ian Schröder : Bonjour Louis Sarkozy, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Quel souvenir gardez-vous de cette interview et des réactions qu’elle a engendré à l’époque ? Votre vie a-t-elle évolué depuis ?
Louis Sarkozy : Merci à vous de bien vouloir m’interviewer.
Effectivement c’était la première fois que je répondais directement à un média, et maintenant que je revois la vidéo, je me dis que j’étais très jeune, et peut-être un peu brusque, mais pour le moins pas malhonnête !
J’ai sans doute un peu caricaturé mes positions, qui étaient surtout basées sur mon goût des armes, justifiable, mais non sur de véritables arguments politiques, philosophiques ou sociaux en faveur du port d’arme. Je me serais exprimé bien différemment si cette interview avait lieu aujourd’hui.
Je me souviens du regard perplexe de François Fillon sur un plateau de télévision quand il a vu ce passage, c’est là où je me suis dit « Tu aurais dû peser tes mots », mais après tout, je pense qu’on se dit tous cela d’une façon ou d’une autre après une expression en public…
En effet aujourd’hui ma vie a beaucoup évolué. Mes études, et en parallèle, mon intérêt pour la politique et pour la philosophie a grandi ; et j’aime aussi à penser que ma culture générale s’est un peu améliorée ! En tout cas je l’espère …
Ian Schröder : Êtes-vous toujours un “gun lover” et à ce titre, faites-vous partie d’une association de défense du droit à l’accès aux armes et avez-vous un permis de port d’armes ? Comment vivez-vous vos séjours en France où les citoyens sont désarmés ?
Louis Sarkozy : Effectivement, j’ai gardé mon goût pour les armes, et surtout pour le tir, après tout, c’est un sport, incroyablement controversé, mais un sport malgré tout.
Mais je tiens à dire que mon goût pour le tir comme sport n’a rien à voir avec mes arguments en faveur du port d’armes, ce n’est pas parce que j’aime ce sport que je soutiens fondamentalement le 2ème Amendement de la Constitution, il y a des opinions non-personnelles, surtout par rapport à la liberté individuelle et la protection d’autrui, qui sont les raisons de mon adhésion à ces opinions, et non mes activités de tireur amateur.
Non, je ne fais partie d’aucune association, je me méfie des étiquettes, des généralisations et des a priori, je préfère de loin penser par moi-même, je n’ai en aucun cas besoin de faire partie d’un groupe pour défendre le port d’arme, même si la diabolisation de la NRA donne envie de les rejoindre.
Vous savez, je fais très attention à juger différentes cultures, avec des histoires et des modes de vie différents. Quand je vais à Paris, je ne suis absolument pas gêné que le port d’arme soit interdit mais je ne peux pas me retenir de me poser la question : est-ce que la situation aurait été différente pendant les attentats, si un citoyen entraîné, responsable et armé avait été prêt à défendre ses concitoyens…?
Je ne connais pas la réponse et je ne donne surtout pas de leçon de morale, c’est une question spéculative honnête, qui je pense doit être posée, j’en ignore bien entendu la réponse, mais j’ose imaginer.
Ian Schröder : En France les médias, au sujet de la fusillade au Texas, ont peu rapporté le fait que le criminel n’aurait pas dû avoir le droit d’acheter des armes et qu’il a été stoppé par un voisin, ancien instructeur de la NRA, Stephen Willeford. Tout au contraire, c’est la NRA qui est désignée coupable et le contrôle des armes -qui a donc une nouvelle fois failli- comme la solution dans une formidable propagande qui inverse les rôles et sans présenter le moindre argument opposé.
Comment se passe le traitement de cette information aux États-Unis comparativement à la France et qu’elle en est votre analyse ?
Louis Sarkozy : Oui exactement, je dirais même que la NRA est la seule association qui se fait systématiquement critiquer pour des actions que ses membres ne commettent pas. Elle est souvent caricaturée comme une association néfaste, qui achète des politiciens pour servir ses complots… Ce qui est, je pense, loin de la vérité.
Bien sûr, comme toutes les associations politiques, elle a un budget, qu’elle utilise pour soutenir les programmes de son choix, c’est ainsi que cela se passe ici aux États Unis. Je pense par ailleurs qu’elle dépense beaucoup moins que l’on ne croit, son budget doit être autour de 3 millions par an pour le lobbying, ce qui n’est pas énorme si nous regardons la totalité des financements privés aux USA.
Sa véritable force se trouve dans le nombre de ses adhérents qui augmente depuis le début de ce débat sur les armes.
En effet vous avez raison, on se doit de ne pas oublier que le tireur était un ancien membre de L’US Air force, renvoyé pour violences contre sa femme et ses enfants, il n’avait aucunement le droit de posséder des armes.
Mais il va de soi qu’un criminel, par définition, ne respecte pas les lois.
J’aimerais également ajouter que le discours de la gauche au États Unis est beaucoup plus dangereux qu’on ne le croit, car après tous ces affreux drames, et alors que la droite continue à affirmer ses positions en faveur du 2eme amendement, le débat ne se porte pas sur leur politique ou leurs propositions mais se transforme en accusations brutales et cruelles en les rendant quasiment responsables de la mort de leurs concitoyens.
Ce qui viendrait à affirmer, et ça l’est constamment par des représentants de la gauche, que si les Républicains ne sont pas d’accord avec les Démocrates pour venir à bout de ces “mass shooting” c’est que la vie humaine n’a que peu d’importance à leurs yeux …!
C’est aussi exactement comment créer un conflit civil. Convaincre la population Américaine pro port qu’ils sont complices de ces affreux crimes, simplement car ils sont en désaccord politique avec la gauche, c’est en effet le meilleur moyen pour faire descendre les gens dans la rue.
Je pense sincèrement qu’il y a un débat sobre et rationnelle à avoir sur les bonnes mesures à adopter, entre autres par rapport au « background checks », et la détection de pathologies dangereuses etc… sans diaboliser l’opposition, et questionner leur humanité.
Ian Schröder : Pour conclure cette interview, qu’avez-vous à dire aux Français qui sont contre l’idée de pouvoir se défendre soi-même ?
Louis Sarkozy : Tout d’abord de ne pas juger aveuglement et de comprendre les raisons historiques du port.
Regardons l’histoire des Etats-Unis, qui n’a que 300 ans, créé par un peuple se révoltant contre la gouvernance forte et injuste de l’Angleterre.
C’est d’ailleurs la première raison pour laquelle l’amendement a été ratifié : la protection du peuple contre le gouvernement.
Les Pères fondateurs savaient qu’il y avait risque qu’un gouvernement démocratique tourne à la tyrannie, et de penser que cela ne peut plus arriver aujourd’hui, c’est simplement ignorer l’histoire. Quasiment tous les régimes fascistes du 20e siècle ont été démocratiquement élus, et nous ne sommes pas à l’abri que cela puisse arriver à nouveau. La plus grande frayeur d’un tyran, c’est un peuple armé, la phrase de Jefferson est particulièrement juste :
« Un pays libre, c’est quand un gouvernement a peur de son peuple, un pays tyrannique, c’est quand un peuple a peur de son gouvernement »
Il y a ensuite la défense de sa famille et de sa propriété, un droit tout aussi fondamental.
Les propriétés privées comme publiques aux États Unis, ont souvent des propriétaires armés. C’est parfois extrêmement dissuasif pour la criminalité, qui a tendance à cibler en particulier les communes moins armées…
Et puis, mais c’est un avis personnel, il y a ce sentiment de responsabilité, le fait que la sécurité d’un individu, et celle de sa famille, soit en partie la responsabilité de l’individu lui-même, c’est un état d’esprit tout à fait respectable.
On parle beaucoup des crimes commis avec des armes, et c’est nécessaire de le faire, mais il faut dire aussi que plus de 2.5 millions de crimes sont stoppés par des citoyens armés légalement chaque année. Retirer les armes, c’est aussi retirer la seule protection de certaines de ces femmes par exemple entraînées par Marchelle Tigner, une femme formidable, qui enseigne à des centaines de ses compatriotes dans des quartier dangereux à se protéger de potentiels criminels ou contre des violences conjugales. Prétendre que les armes ne sont pas une force pour le bien aux États-Unis est nier l’évidence.
Il ne faut pas avoir peur de montrer les statistiques et de dire qu’une interdiction totale n’est ni possible, ni bénéfi
que, et ne ferait quasiment rien pour arrêter les problèmes qui nous touchent tous si profondément.
En utilisant la même logique proposée par le front anti-armes, pourquoi dans ce cas ne pas interdire les voitures pour arrêter les conducteurs en état d’ébriété ou les fourchettes pour éviter l’obésité ?
Une arme est un outil, elle n’a ni conscience ni volonté, elle n’est que l’extension de l’individu qui la porte, elle peut être et elle est aussi un outil de légitime défense, de la protection des innocents, et c’est pour ces raisons, que je supporterai toujours le droit d’un citoyen libre d’avoir le droit de se défendre.
*L’interview de Paris Match : https://www.youtube.com/watch?v=IGjwkJl_4OE