Après Marseille, Lyon… Depuis les derniers attentats, les polices municipales s’équipent en armes.

Plus de 30.000 anciens revolvers de la police ont été demandés par 291 communes.

Plus de 30.000 anciens revolvers de la police ont été demandés par 291 communes. (Sipa)

Une augmentation de plus de 100%! “C’est bien simple, explique Olivier Degeorges, responsable du pôle de compétences sécurité au sein du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), nous formions jusque-là 800 à 900 agents par an au maniement des armes à feu. Nous en sommes à 1.700 policiers municipaux inscrits rien que pour le premier trimestre 2016…”

La mort tragique d’Aurélie Fouquet avait déjà secoué la profession mais c’est surtout celle de Clarissa Jean-Philippe à Montrouge (Hauts-de-Seine), en janvier 2015, sous les balles d’Amedy Coulibaly qui a changé la donne. Jusque-là réservés sur l’armement des polices municipales, malgré les demandes répétées des organisations syndicales, les pouvoirs publics ont radicalement changé d’attitude, à commencer par le ministre de l’Intérieur qui a décidé de remettre gratuitement aux villes qui le souhaiteraient 4.000 revolvers Manurhin en service dans la police nationale jusqu’en 2004. Selon un bilan d’étape rendu public cette semaine, “3.033 armes ont été demandées par 291 communes et 636 de ces armes ont déjà été effectivement distribuées au bénéfice de 73 communes”.

Un transfert de missions du national vers le municipal?

Fin 2014 (derniers chiffres officiels), parmi les quelque 20.000 policiers municipaux de France, 7.436 étaient déjà équipés d’armes à feu. Les agents armés seront donc prochainement plus nombreux que ceux ne disposant d’aucune arme (moins de 20 %) ou simplement d’une matraque, de Taser ou de Flash-Ball… D’autant que les attentats de novembre ont encore convaincu d’autres élus, tel Gérard Collomb à Lyon qui s’y refusait jusque-là, de franchir le cap. Mêmes les syndicats de la police nationale n’y trouvent rien à redire. “Nous ne sommes pas pour la généralisation mais il faut donner à nos collègues municipaux les moyens de remplir leurs missions. Avec la menace terroriste, la police nationale a malheureusement d’autres tâches”, argumente Nicolas Comte d’Unité SGP Police-Force ouvrière. Faut-il y voir la traduction d’un transfert de missions du national vers le municipal?

Bientôt des vigiles armés

D’autant que les effectifs des polices municipales sont de plus en plus composés d’anciens… policiers et gendarmes. “Entre 40 et 50%”, estime Gérard Gormand. Cet ancien sous-officier d’un groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, formateur au tir pour le CNFPT, affiche quinze ans d’expérience au sein de la police municipale de Nîmes. Selon lui, la formation (12 heures pour le volet juridique ; 30 heures et 250 cartouches pour le module technique) s’est nettement professionnalisée. “Est-ce que vous avez déjà entendu parler d’un policier municipal qui aurait fait un usage intempestif de son arme ces dernières années?, interroge-t-il. Alors que, comme ils ne font pas de judiciaire et très peu d’administratif, ce sont eux qui occupent le plus le terrain…”

Le policier municipal, un policier comme les autres? “Ils ont les mêmes clients : la population. Et ils ont les mêmes adversaires : les délinquants. Dans certaines villes, comme Toulouse par exemple, je peux même dire que, avec un entraînement au tir tous les mois, ils sont mieux formés que leurs collègues de la police nationale…”, répond Me Laurent-Franck Liénard. L’avocat de nombreux policiers, conseil de la famille d’Aurélie Fouquet, milite également contre la limitation technique de l’armement des policiers municipaux : “Qu’on m’explique pourquoi les agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage sont équipés de Glock 9 mm et pas les policiers municipaux!”

Bientôt des vigiles armés?

Après les policiers municipaux, bientôt des vigiles armés? La question s’est posée pour les employés de la société privée chargés de la protection de la rédaction de Charlie Hebdo. Face au flou de la situation actuelle et alors que la liste des sites à sécuriser ne cesse de s’allonger, le Cnaps (Conseil national des activités privées de sécurité) a été chargé d’élaborer un nouveau statut d'”agent de sécurité renforcée” (ASR) dédié à des espaces statiques particulièrement exposés et pouvant être autorisés à être armés. Un statut qui pourrait ressembler à celui des transporteurs de fonds.

lejdd.fr